“La bellissima”

En 1950, une femme accouche dans la mer devant l’impatience inquiète de son clan. La petite fille sauvée des eaux s’appellera Parthénope, du nom de la sirène éponyme antique de la ville de Naples.

Parthénope n’est pas humaine. C’est une « déesse », dit-on. Telle Vénus, elle aurait pu surgir d’un coquillage. La nuit, l’ondine s’endort dans un carrosse doré que son « padrino » a fait venir expressément de Versailles. De quoi lui permettre de voyager pendant qu’elle rêve et autoriser à rêver ceux qui l’irent assoupie. Dans sa famille, sur les îles, à l’université, l’église ou dans les bas-fonds de la cité, sa splendeur fera tourner les têtes, quitte à tous les rendre fous.

Après Rome, c’est à Napoli que Paolo Sorrentino rejoue La grande bellezza. De quoi irriter celles et ceux que ses cartes postales estivales ou nocturnes, ses travellings ralentis et dialogues sentencieux laissent de glace. « Une esthétique publicitaire », prétendent-ils. Certes, le film prend parfois les allures d’un défilé de mode d’Yves Saint Laurent, sur le podium duquel Celeste Dalla Porta avance avec grâce. La divine sera même sacralisée au sein de la cathédrale. Il n’empêche que la signature stylistique de l’Italien est d’une élégance rare. Sa quête du somptueux, même dans le monstrueux, fascine encore. Seule la cigarette constamment à la bouche, que l’on marche, mange, baise ou se suicide devient un cliché glamour tuant. « La beauté est comme la guerre, elle ouvre les portes ». Et avec le réalisateur, impossible de prévoir ce qui s’y cache derrière : un écrivain homosexuel qui aligne les bouteilles devant la fenêtre, une femme voilée qui embrasse uniquement dans la vapeur, des smalas misérables qui se partagent leur matelas, un couple jeunot obligé de fusionner devant les regards pervers, un prêtre démoniaque ou une créature méditerranéenne faite d’eau et de sel. Si elle peut décourager les plus blasés, l’odyssée temporelle, anthropologique, et urbaine de Parthénope subjugue le plus souvent comme lors de ce slow à trois, manège mélancolique et incestueux, où visages et chevelures se mélangent. Richard Cocciante avait déjà tout prévu. Qu’elle soit aimée ou haïe, l’insaisissable Naples ensorcèle. Sorrentino le sait et donne envie de la redécouvrir. Avec lui, Capri, ce n’est pas fini.

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Dernière modification il y a 2 mois